L’adoption, récente, du projet de loi n°10.22 relatif à la création d’agence de fabrication de médicaments et de produit de santé, insuffle une nouvelle dynamique dans le secteur. En effet, cela permettra d’économiser au moins 7,5 milliards de DH correspondant à la valeur des importations pharmaceutiques. L’objectif visé à travers cette loi est de garantir la souveraineté, la sécurité médicamenteuse et aussi d’assurer leur autorisation sur le marché.
Le décret d’application pour la mise en œuvre de l’agence de fabrication de médicaments étant prêt, il faut s’attendre à une montée fulgurante du flux des médicaments sur le marché. L’économie va sans doute être plus dynamique avec ces nouveaux produits destinés aux soins. C’est la fin du suspense après des années de réclamation de la création de cette agence de médicaments.
«Nous saluons cette initiative et espérons que la mise en œuvre de cette agence se fasse rapidement, sachant que la demande de création de l’agence des médicaments faisait partie de nos demandes prioritaires pour le renforcement du développement du secteur et son accompagnement», se félicite Layla Laasel Sentissi, pharmacienne, directrice exécutive de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutique (FMIIP).
Selon elle, cette agence va apporter plus d’indépendance, une meilleure gouvernance, une meilleure transparence dans la gestion et surtout dans le respect des délais réglementaires. Parce que, aujourd’hui, nous peinons vraiment sur ce point, et cela constitue un véritable frein pour l’accès et l’accessibilité.
Pour assurer la souveraineté sanitaire au Royaume
En effet, explique Layla Laasel Sentissi, «nous avons demandé la création de cette agence depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, notre industrie compte plus de soixante ans d’expérience et d’expertise et elle est à la pointe des dernières technologies et travaille selon les standards internationaux les plus stricts». Dans le même sens, elle invite le Conseil de gouvernement à la diligence.
«Nos autorités sont appelées à accompagner ce développement et espérons que l’agence, qui sera dotée de nouvelles compétences et ressources humaines et financières, pourra répondre à ces attentes. Nous souhaitons une agence avec une gouvernance indépendante et transparente et à même d’apporter le souffle et la dynamique nécessaires pour permettre aux acteurs du médicament et produits de santé de mettre sur le marché les nouveaux produits, les premiers génériques et les innovations et assurer ainsi une souveraineté sanitaire au Royaume», indique-t-elle.
Avant d’ajouter: «Je voudrais saluer le travail effectué par la Direction du médicament et de la pharmacie avec son laboratoire national de contrôle des médicaments pendant toutes ces années et, aujourd’hui, il est temps d’aller de l’avant et d’avoir une agence capable d’accompagner tous les chantiers et la réforme du système de santé». On ne peut parler du projet de loi n°10.22 sans évoquer la loi-cadre n° 06.22 dont elle constitue une réalisation qui est d’ailleurs proportionnelle au système de santé. C’est une relation de cause à effet.
Selon Taoujni Saad, consultant en politique, management et droit de la santé et de la protection sociale, la nouvelle loi-cadre ne réforme pas en profondeur et d’une manière significative le système. Bien au contraire, elle le complexifie. Elle est même en recul par rapport à l’ancienne dans le fond comme dans la forme. Elle subira les mêmes risques d’échec que la précédente. Ces risques, indique l’expert juridique, sont connus et prévisibles. «En plus de la digitalisation et du parcours des soins, il y aura des batailles lors de l’élaboration des normes réglementaires d’hygiène, de sécurité et de qualité et aussi autour de la composition de l’institution chargée de l’accréditation des établissements de soins qui, peut-être, ne verra pas le jour avant plusieurs années», prévoit-il.
Ce qu’il faut changer dans la loi-cadre n°06.22
Devant la permanence des méthodes, des règles du jeu, de l’attitude des acteurs, des ressources, de la gouvernance, de l’éparpillement institutionnel, comment cette loi-cadre permettrait la réalisation des objectifs arrêtés pour la plupart il y a onze ans ? Aucune analyse des raisons de l’échec n’a été présentée. Comment détecter alors dans ce texte une nouvelle volonté politique pour changer véritablement les choses ? C’est la gouvernance institutionnelle et le management opérationnel qu’il faut changer pour réussir ce projet et non pas l’adoption d’une loi-cadre. Surtout que les retards pris par l’État dans la réforme progressive du secteur vont affaiblir sa position. Cette faiblesse sera chèrement payée face aux pressions du secteur libéral, ayant depuis étoffé son offre de soins alors que le nombre d’hôpitaux publics a très peu progressé depuis plusieurs années (152 en 2021).
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