IA au Maroc: Le chemin vers une révolution économique et éthique

L’ubiquité croissante de l’Intelligence Artificielle (IA) constitue un phénomène d’ampleur mondiale, inscrit dans les méandres des indicateurs internationaux. Pour le Maroc, l’IA incarne un catalyseur de transformation accélérée et un vecteur de renforcement de sa stature sur la scène mondiale. Le Royaume serait bien inspiré d’embrasser une approche holistique pour façonner une IA éthique, centrée sur l’humain et en harmonie avec les valeurs nationales. Voici les éléments à prendre en considération dans cette vision, selon l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES).

L’horizon de la mondialisation, quel que soit son incarnation future, se dessine inéluctablement sous l’égide de l’IA, affirme le rapport de synthèse intitulé « Intelligence artificielle de confiance: Levier de changement en faveur d’un développement accéléré du Royaume », publié par l’IRES.

En effet, l’IA est perçue par 90% des dirigeants mondiaux comme un facteur de croissance de l’économie mondiale. A l’horizon 2030, sa contribution au PIB mondial est estimée entre 12 et 15%, selon les projections du cabinet britannique « PricewaterhouseCoopers », avec des revenus générés par cette technologie atteignant jusqu’à 15.700 milliards de dollars.

Ainsi, l’IRES relève que l’IA offre des solutions novatrices particulièrement adaptées aux besoins de l’Afrique, notamment dans des secteurs clés du développement durable tels que la santé, l’éducation et l’agriculture. Le continent est déjà considéré par les grandes entreprises technologiques comme un marché en devenir. Cependant, la situation de l’IA en Afrique reste incertaine, car le continent demeure principalement un consommateur de technologies et un terrain d’expérimentation pour les géants du secteur technologique.

Tel la plupart des nations africaines, le Maroc fait face à un défi majeur dans le domaine de l’IA, notamment l’absence d’une stratégie nationale audacieuse, indique l’Institut. Malgré cela, des initiatives remarquables, portées par des institutions et des universités, se démarquent par leur envergure tant au niveau national qu’international, constituant ainsi un socle solide pour l’épanouissement d’un écosystème compétitif d’IA à l’échelle nationale.

Parmi les initiatives citées par le rapport, le Centre International d’Intelligence Artificielle « Ai Movement », affilié à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), se distingue en tant que bastion d’excellence en IA et Sciences des Données. Ce centre est devenu un pôle régional majeur, dédié à l’éclosion d’une expertise marocaine en Intelligence Artificielle et en Sciences des Données.

De même, l’Université EUROMED a joué un rôle de pionnier en proposant la création d’une grande école, l’École d’Ingénierie Digitale et d’Intelligence Artificielle (EIDIA), dont l’objectif est de former des cadres de haut niveau capables de soutenir les grands projets de développement dans les pays du bassin euro-méditerranéen et en Afrique subsaharienne, dans les domaines du digital et de l’IA.

S’y ajoutent également le TICLab de l’Université Internationale de Rabat (UIR) qui se distingue en tant que laboratoire de recherche et d’innovation avant-gardiste, se focalisant sur l’application de l’IA dans les secteurs spécifiques de l’ »AI+X », notamment la santé, l’agriculture et l’éducation, ainsi que le projet Al-Khawarizmi-Smart, financé par le secteur privé, ambitionne d’intégrer des techniques d’IA pour améliorer les processus industriels dans le domaine minier.

Ceci dit, les initiatives des universités marocaines dans le domaine de la recherche en IA les placent en tête des classements internationaux. En 2023, le Maroc s’est ainsi hissé à la 4ème place en Afrique et à la 88ème place mondiale en termes de préparation au développement de l’IA, selon l’indice de préparation à l’Intelligence Artificielle du gouvernement établi par Oxford.

Par ailleurs, une évaluation plus pointue de l’IA au Maroc pourrait être réalisée en élaborant une cartographie exhaustive des projets et des parties prenantes impliquées. L’adoption progressive de l’IA dans les domaines public et privé est notable. De nombreux projets d’envergure nationale et internationale sont menés par des administrations publiques et des start-ups, certains atteignant un niveau élevé de performance et de renommée à l’échelle mondiale.

D’autre part, l‘IA est un levier de changement et de renforcement du positionnement international du Maroc. Pour tirer pleinement parti de cette technologie, le pays devrait adopter une approche globale centrée sur l’humain et conforme à ses valeurs. Cela implique la mise en place d’une stratégie nationale d’IA de confiance, en harmonie avec les résolutions internationales, et l’intégration progressive de l’IA dans les politiques publiques et les stratégies sectorielles, tout en encourageant le secteur privé à innover grâce à l’IA.

Il est également, selon l’IRES, nécessaire d’établir une gouvernance de l’IA reposant sur plusieurs principes. Tout d’abord, renforcer le rôle de l’État en établissant un cadre légal conforme aux normes internationales. Ensuite, envisager la création d’une entité dédiée au développement d’une IA alignée avec les valeurs et le modèle de développement du Maroc. Encourager la mise en place de comités de pilotage de l’IA dans les secteurs public et privé, intégrant les aspects éthiques, réglementaires, de gestion des données, d’acceptabilité sociale, d’impact sur l’emploi, de transparence et d’interopérabilité est également crucial.

De plus, il faut de prospecter les impacts de l’IA au niveau national, notamment en ce qui concerne l’emploi (adaptation du système éducatif et du marché du travail), la science et la technologie (veille scientifique et technologique), et les secteurs économiques (gains de compétitivité et de productivité).

L’Institut préconise aussi de placer l’IA au cœur de l’économie nationale en faisant de cette technologie un secteur clé pour le Maroc et une chaîne de valeur compétitive à l’international, en la promouvant comme un levier pour le développement industriel, et en l’intégrant dans les stratégies sectorielles avec la création de pôles d’innovation spécialisés, entre autres mesures.

Il est proposé d’élever le Maroc au rang de puissance scientifique en matière d’IA, à travers la promotion de la formation des talents et la recherche scientifique en IA au niveau national, la création des filières spécialisées appliquées à l’IA, l’encouragement des mesures d’attractivité des compétences nationales et internationales pour contrebalancer la fuite des cerveaux.

Sur le plan des relations internationales, l’IRES recommande d’intégrer l’IA parmi les questions globales traitées par la diplomatie marocaine au niveau international, au même titre que le changement climatique, les armes chimiques et nucléaires, et de capitaliser sur les initiatives diplomatiques déjà engagées au niveau international en Afrique et auprès des organisations internationales (UNESCO, ONU, Union Africaine), dans le but de rehausser le positionnement et la visibilité du Maroc sur ce sujet d’avenir et attirer les projets et les investissements internationaux dans ce domaine.

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